Je soussigné Gaillardon Gilbert domicilié 110 rue de Paris à Souppes-sur-Loing ou j'exerce la profession de Transporteur et Manutentionnaire Ferroviaire depuis le 1er septembre 1937, classé service auxiliaire en 1928, mobilisé en janvier 1940, affecté spécial en avril 1940, rentré chez moi le 8 août 1940, où je trouve ma maison et mon garage occupés par les boches, malgré des pertes importantes aussi bien dans mon mobilier qu'à mon garage (huile, carburant, outillage) je me remets au travail fin 40 et commence à reprendre une activité normale quand les boches me réquisitionnent mon meilleur camion en février 1942. Malgré toutes ces difficultés que je réussis à surmonter en me ré équipant avec d'autre matériel, je mets tout en oeuvre pour nuire à l'ennemi et un des premiers je prends contact avec les premiers noyaux de résistants, par Madame la Générale Lelong dont le mari fut l'un des premiers compagnons du Général de Gaulle à Londres et qui se vit confier par lui la direction d'un important service de son état-major, je suis présenté à Monsieur le Colonel Marc O'Neill domicilié actuellement 33 rue Greuze à Paris fondateur et organisateur du mouvement Volontaires et Paysans Ouvriers et me charge d'organiser ce mouvement dans le sud de Seine et Marne dont il me rend responsable, en outre, je participe aux réunions secrètes tenues à Paris par les dirigeants nationaux du VPO et d'autres groupements. défiléA partir de cette période mon activité se ralentit plus et par contre coup celle de mon entreprise prendra de l'ampleur et pour cause ? Pour permettre les déplacements clandestins et les transports de matériel, j' entre en contact avec Messieurs Moulin adjoint technique et Bouteloup, ingénieur aux Ponts et Chaussées à Melun puis avec Monsieur Bruneau, ingénieur d' arrondissement de la même administration, membres les uns du groupement Libération et l'autre de la C M, j'obtins de ceux-ci tous les faux S P nécessaires pour permettre à mon entreprise le trafic qui camouflera mon activité clandestine ce qui fait dire rapidement par les collaborateurs jaloux et imbéciles qui ne sont ni plus ni moins nombreux à Souppes qu'ailleurs, que je trafique avec les boches ce qui me permet d'obtenir tous les S P qu'eux ne peuvent obtenir. Je me suis bien gardé de les détromper et au contraire laisse entendre autour de moi que ces bruits sont fondés de telle sorte que jusqu'à la libération et même encore aujourd'hui pour ceux que la haine ou la jalousie aveuglent je reste un collaborateur (pour ces derniers ils ont parfois, pour ne pas dire toujours, été eux de vrais collaborateurs). Grâce à ces facilités un de mes camions monte journellement à Paris et assure la liaison constante avec l'organisation centrale, transporte les journaux clandestins. J'assiste toutes les semaines en divers endroits et plus particulièrement au restaurant Molin rue du Cloître Notre Dame à Paris aux réunions des principaux responsables c'est ainsi que je suis rentré en contact avec Monsieur Guisselin, dans la clandestinité Grégoire actuellement préfet du Rhône à Lyon, Monsieur le Général de Beauchêne commandant maintenant les forces françaises qui occupent la zone de Berlin, j'ai assuré la sécurité de ce dernier recherché par la Gestapo en le transportant avec mon camion de Paris à Souppes d'abord où je l'héberge, puis je le conduis en Sologne à Ivoy le Marron, d'où il dirigera les maquis Solognots, tandis que le Colonel O'Neill organisera et confiera les maquis du Loiret aux Commandants Pierre Charrié et Roger Mercier qui livreront dans ce département de durs combats tandis que Marc O'Neill libérera l'école militaire à Paris le 23 août 1944.

Je fus en contact avec le commandant Berge dit Ravin arrêté par la Gestapo et fusillé à Arbonne où son corps fut retrouvé; avec le Commandant Bayard responsable dans l'Eure-et-Loir et dont j'assurai aussi le transport de Paris en Sologne.

Je recrutais des responsables dans les communes du sud de Seine-et-Marne, des effectifs. Je passais par radio à Londres 5 terrains de parachutages. Piat devint mon lieutenant pour Nemours, Pouvreau pour Vaulx, Trembleau pour Lorrez, Mesnil pour Egreville, Surplie pour Château-Landon, CarIes pour Avon, Haye pour Dordives, Grenet pour Bourron, Bardez pour Bagneaux, Lhéritier pour Villebéon et Vaux, Monsieur le Marquis de Rays pour Villecerf (mort en déportation), Florent pour Moret. Avec le groupe de Souppes je réussis mon premier parachutage d'armes et matériel le 8 septembre 1943 (message B B C) sur la plus haute branche le rossignol chantera, devant la réussite de celui-ci, je fus mis en contact avec le Lieutenant-Colonel Soubestre (alias Marcel), responsable du Plan Sussex qui me confia l'organisation et la réception par parachutages d'agents SR du B C R A. Terrain parachutageLe 8 mai 1944 sur le terrain de Souppes après avoir écouté le message (Sonne Sonne Sonne joyeux carillon) je reçus deux agents du B C R A, André Degorse (alias Bessonne) ingénieur géophysique, domicilié 2, avenue Rude à Sartrouville, actuellement chargé de mission à Madagascar et Henri Schouler (alias Beignet) domicilié 10 rue du Conservatoire à Paris, qui devaient dans les mois qui suivirent grâce à mon organisation mise à leur disposition (transports, hébergement, sécurité) être classée seconde équipe comme renseignements fournis des agents B C R A pour la France.

A la suite de leur premier rapport par radio à Londres annonçant leur arrivée, il m'est immédiatement demandé si j'acceptais d'organiser la réception d'autres agents destinés à diverses régions de France, devant ma réponse affirmative, le 4 juillet (message B B C : Cinzano est excellent ajouté au djinn) huit agents et dix sept containers (matériel de radio) me sont parachutés à Souppes ; hébergement et plus particulièrement de l'un de ses agents (Raymond) blessé dans sa chute, les deux métacarpes brisés et qui restera sous ma sauvegarde jusqu'à la libération soigné par le docteur Sanseigne de Souppes. Les autres sont après quelques jours d'acclimatation aiguillés sur Paris où là encore ils trouveront une maison d'accueil organisée par moi-même, Restaurant Molin, rue du Cloître Notre Dame. Le 22 juillet (message Martini assistera sûrement aux fêtes ce soir) huit nouveaux agents sont parachutés à Souppes, comme les précédents ils parviennent à Paris sans encombre.

Le 5 août (Maurice et Paul sont braves) annonce l'arrivée sur mon terrain de la Croix Blanche à Lorrez-le-Bocage des deux derniers agents à mettre en place dans la région de Montargis, où un asile sûr leur est fourni. Ces diverses opérations me valurent les félicitations de Monsieur le Colonel Henderson ainsi que celles de Monsieur le Major O'Brien de la direction des services stratégiques américains qui vint personnellement à Souppes me remercier de toute l'aide que j'avais apportée aux alliés par l'organisation que j'avais mise sur pied.


Entre temps,
le 23 juin, terrain de la Croix Blanche,
message: Ce garçon mange trop = 6 tonnes de matériel et armement.
Le 27 juin, terrain de Souppes,
message: Le lapin à la queue blanche, 2 fois = 6 tonnes de matériel et armes.
Le 30 juin, terrain de Villeniard,
message: Il aime trop les femmes = 3 tonnes de matériel et armes.
Le Il juillet, terrain de Villeniard,
message : Il aime trop les femmes = 3 tonnes de matériel et armes.
Le Il juillet, terrain de Nemours,
message: tu ressembles à un cochon = 3 tonnes d'armes.
Le 14 juillet, terrain de Nemours,
message: Il aura un vélo et 3 petites voitures = 2 tonnes d'armes.
Le 20 juillet, terrain de Villecerf,
message: sa cravate est bleue = 3 tonnes d'armes.
Le 20 juillet, terrain de Souppes,
message: Le lapin à queue blanche = 6 tonnes de matériel et armes.

Soit au total 35 tonnes de matériel et 20 hommes.

Je pus armer 450 hommes qui sous la conduite de leurs responsables relevant de mon autorité subordonnée à Monsieur le Commandant H. B. Desouches (alias Ct Dugas) chef responsable départemental FFI, accomplirent dès les instructions reçues de Londres le 5 juin (message: il est sévère mais juste, l'acide rougit le tournesol, elle est toujours sur le dos), les opérations de harcèlement demandées, coupures de voies ferrées, destruction pont de chemin de fer e Dordives, câbles téléphoniques souterrains, attaques voitures automobiles et groupes de boches, capture de matériel. Personnellement 1 camion citerne de 20 tonnes et son personnel, le 6 août, 1 second camion le 19 août, protection et défense du pont routier de Souppes, le seul de Seine-et-Marne que les allemands ne purent miner et qui permit râce à la liaison Bessonne et Beignet par radio avec l'armée du Général Patton l'avance rapide de celle-ci Orléans- Troyes dans la journée du 21 août.
En outre des dizaines de réfractaires furent hébergés dans mon secteur munis de Fausses cartes d'identité établies par mes soins sur des imprimés exécutés par l'imprimerie Vilna de Château-Landon, cartes de pain, viande, etc. grâce à l'appui de Caries contrôleur du ravitaillement, sans qu'une seule fois je fus contraint de dévaliser une mairie. De plus j'ai recueilli 2 parachutistes d'avions en détresse, un Américain (Fruth Robert de Napoléon province de Ohio) en février 1944 et un Anglais (King Philippe de la RA F) en mai 1944 de l'avion tombé à Chaintreaux, ils échappèrent tous les deux aux boches et l'Anglais resta parmi nous plus de deux mois.
Toute cette activité et j'en passe me valut l'attribution des citations par décret en date du 18 nov 45 me décernant la Médaille Militaire et la Croix de Guerre avec palme et le journal officiel du 17 mai 1946 me décerne à moi et à ma femme la Médaille de la Résistance, en outre les services stratégiques américains m'ont adressé le témoignage suivant:

La direction des services stratégiques américains déclare que Monsieur et Madame Gaillardon ont servi avec le plus grand dévouement et une abnégation parfaite la cause des alliés avant la libération de la France et ont ainsi contribué à la victoire

David K.E. BRUCE
Colonel G SC
Paris le 31 octobre 1944


je suis informé qu'une demande de distinction américaine a été sollicitée à mon égard.
A Souppes le 10 juillet 1946


Par décret du 14 juin 1951, j'ai été promu au grade de Chevalier de la Légion d'Honneur.

Sources Archives Gaillardon

Lire la suite >

RAPPORT DE MON ACTIVITÉ CLANDESTINE