L'histoire Merveilleuse du pont de Souppes
Maurice Esnault

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Rien ne semblait prédestiner cette coquette petite cité à devenir le centre principal de la Résistance du sud seine-et-marnais et, cependant, c'est à Souppes que se constitua le premier noyau de patriotes qui étendit toutes ses ramifications jusqu'à Château-Landon, Nemours, Moret, Égreville, Lorrez, Vaulx, la Chapelle-la-Reine, Avon, Melun.

Les lignes qui vont suivre vous diront comment s'est constitué ce groupe de Résistance. Quand et en quel endroit s'est effectué le parachutage des quelques cinquante tons d'armes et de matériel de toutes sortes. Elles vous diront aussi l'existence dangereuse menée par ces hommes qui participèrent à la réception et au transport de ces armes, au mépris des dangers les plus grands et des tortures les plus atroces car aucun d'eux n'ignorait le sort qui l'attendait s'il se faisait prendre par la Gestapo.
Elles vous apprendront enfin comment fut exécuté l'ordre donné par le commandement dans les derniers jours qui précédèrent la Libération:
Empêchez à tout prix la destruction par les Allemands des Ponts du Canal et du Loing.
Les ponts n'ont pas sauté, ce qui a permis le passage immédiat, pendant plusieurs nuits et plusieurs jours, d'une formidable colonne de blindés américains.
Du même coup, la ville de Souppes était sauvée de la destruction quasi totale qui la menaçait.
Ce triple résultat est dû au travail et au patriotisme de Gilbert Gaillardon qui fut l'organisateur et l'animateur de toute la Résistance du sud seine-et-marnais.
Son nom est indissolublement lié à toute la Résistance dans cette partie du département.
La création à Souppes d'un important groupe armé ne pouvait se réaliser sans d'immenses dangers. En effet, Gaston Frot, maire doriotiste, et son sinistre adjoint Henri Frot régnaient en maîtres absolus à la mairie. Il fallait tout d'abord se débarrasser de ces deux tristes individus qui, depuis de trop longs mOIS, faisaient peser sur la commune tout le poids de leur méchanceté et de leurs sentiments pro-allemands. Louis Lecoq, pharmacien, se chargea de l'opération. Gilbert Gaillardon le transporta dans sa voiture, chez les conseillers municipaux, pour obtenir leur démission.
En une après-midi, ce travail fut réalisé. Les conseillers en majorité adressèrent leur démission au préfet et une délégation spéciale toute acquise à la Résistance fut constituée.

Sans attendre plus longtemps, Gilbert Gaillardon se met au travail. Il faut trouver le moyen d'entrer en relation avec Londres. Il y arrive par l'intermédiaire de la Résistance de Montargis qui lui donne toutes les indications utiles pour recevoir des armes parachutées. Pour l'aider dans cette tâche, il s'adjoint Camille Picard, Roger Rémy et René Rose.
Tous quatre se mettent en quête d'un terrain de parachutage. Ce terrain doit avoir 2 400 mètres de côté et doit être bien abrité. Ils le découvrent à La Brosse près de Chaintreaux et le repèrent avec ses dimensions sur le cadastre de la mairie.
Les dimensions et les coordonnées du terrain ainsi que les messages personnels sont adressés au War Office de Londres qui les accepte.
Malheureusement le groupe chargé d'établir les relations avec Londres est arrêté par la Gestapo.
Un seul de ces membres du groupe X... parvient à s'enfuir par les toits et se cache pendant quinze jours chez Roger Mercier, commandant des F.F.I., à Sceaux-du Gâtinais. Mercier est suspecté à son tour et vient avec X... chez Gaillardon qui les soustrait tous deux aux recherches de la police allemande. Mais la cachette est dangereuse, aussi Gilbert Gaillardon cherche et trouve pour eux un asile plus sûr, dans la région parisienne.
Un beau matin, X..., caché sous un chargement de papier que Gaillardon mène à Paris, regagne sa nouvelle retraite où il arrive presque étouffé sous la charge.
Mais, très imprudent, X... revient à Souppes et Gaillardon lui fait comprendre qu'il ne peut rester ICI car sa présence est dangereuse pour tout le groupe en constitution. X... quitte donc la région et, dès lors, le contact avec Londres est rompu.
Gilbert Gaillardon ne se décourage pas. Son équipe s'est agrandie de l'adhésion de Émile Marga, Roger Martin, Roger CoIlin, Jean Tissier, Henri Legras, Maurice Esnault, Marcel Piat, de Nemours et des gendarmes Schweiger et Terrien.
En attendant de retrouver le fil qui lui permettra de communiquer avec Londres, ce petit noyau fait de la propagande et distribue tous les huit jours le journal de la Résistance qui, pour dépister les recherches, est imprimé dans un camion qui roule à peu près sans arrêt sur toutes les routes de France.
Après de multiples recherches, Gilbert Gaillardon peut être en relation avec Marc O'Neill!, ( Marc O'Neill est l'organisateur de la Résistance armée dans sept départements, en particulier dans l'Orne et le Loiret. D'autre part, au moment de la Libération de Paris, il est monté avec son groupe (V.P.O.) à l'assaut de l'École militaire d'où il a chassé les Allemands. ) lui-même en rapport avec Londres. Le groupe de Souppes peut donc rétablir le contact rompu pendant plusieurs semaines. On en profite immédiatement pour préparer le premier parachutage.

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