Le travail reprend

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Le travail reprend
Les jours qui suivirent n'ayant amené aucun trouble sérieux, le travail reprit et Villeniard reçut un nouvel envoi qui devait servir à compléter l'armement de Voulx et de Villebéon. Des événements graves s'étant déroulés dans cette région, les Allemands y firent des recherches et des arrestations en assez grand nombre, menaçant de découvrir toute l'organisation. Trembleau qui sentait le filet se resserrer prit la décision d'abandonner sa ferme et son bétail pour se réfugier, tout au moins momentanément, dans le maquis. Pendant cette période où l'anxiété fut grande, il fut impossible d'effectuer dans ce secteur le moindre parachutage et, pour corser l'affaire, les Allemands arrêtèrent les gendarmes parmi lesquels G. Terrien qui se trouvait en déplacement à Lorrez. Bernard, gendarme à Lorrez, prévenu par quelques amis alors qu'il était en tournée, se garda bien de rentrer chez lui et gagna le maquis dans l'Yonne.
Devant toutes ces difficultés successives, Gilbert prévoyant une attaque possible du maquis décida le transfert d'une partie des munitions dans les carrières du Coqueluchon pour éviter, qu'en cas d'évacuation du maquis, celles-ci ne tombent aux mains de l'ennemi. La garde fut renforcée et chacun était résolu à se défendre jusqu'au bout. Puis, de nouveau, l'horizon s'éclaircit. Terrien, après deux jours d'internement, rentra à Souppes. Les Allemands, non sans emmener des otages, quittèrent la région de Lorrez, sans avoir pu découvrir le moindre renseignement sur l'organisation V.P.O.
Entre temps, un instructeur venu d'Angleterre s'était rendu à Souppes en vue de donner des indications nécessaires pour effectuer les sabotages qui seraient bientôt demandés. Il fut, lui aussi, d'un précieux concours à l'organisation qu'il entraîna et perfectionna en vue des sabotages éventuels et c'est avec lui que, dans la nuit du l4 juillet, une première tentative fut faite pour détruire le pont du Betz. L'ordre étant arrivé d'interrompre le trafic, deux ouvrages d'art étaient susceptibles, en sautant, d'obtenir ce résultat: le pont du Betz et celui de Beaumoulin. Gilbert s'arrêtait donc au premier qui supprimait tout aussi bien le trafic en entraînant une perte moins importante suivant les conseils et renseignements reçus du moniteur; les charges d'explosifs furent préparées soigneusement, non seulement pour le pont mais aussi pour le câble qui franchit le Betz sous le pont de la route nationale.

L'explosif est en place
Vers vingt-trois heures, Henry Legras, Jean Tissier, Marga, Collin et autres se trouvèrent à l'extrémité du parc de Cercanceaux d'où, accompagnés par André, spécialiste du sabotage, ils se dirigèrent à travers marécages et roseaux vers le pont à détruire, à quelques distances de celui-ci.
Ils se regroupèrent et l'un d'eux se détacha pour effectuer une reconnaissance. A son retour, les dispositions furent prises pour passer à l'action. Tandis que les uns s'occupaient de poser les charges d'explosifs sur le pont et sur le câble téléphonique, les autres assuraient, armés jusqu'aux dents, une surveillance attentive à proximité. Après 45 minutes d'un travail actif et rendu plus difficile par l'obscurité, la tâche est terminée, les crayons de mise à feu sont écrasés et, dans 20 minutes, si tout est bien en place, le pont sautera. L'ordre est donné de rentrer rapidement avant que l'explosion ne se produise et donne l'alerte. A travers marécages et roseaux, chacun se dirige vers le refuge le plus proche car il est, bien entendu, impossible de rentrer à Souppes avant que l'explosion n'ait lieu.
Seuls, Marga et André resteront à quelques distances, dissimulés dans les roseaux pour assister à celle-ci.
Ils attendront là de longues minutes car, contrairement à ce qui avait été prévu, l'explosion qui devait se produire 20 minutes plus tard, se produisit avec un assez long retard et, au moment où ils décidaient d'aller désamorcer les mines et les ramener, une immense lueur inonda de clarté toute la région, suivie de l'explosion tant attendue. Satisfaits du résultat obtenu, ces deux hommes empruntèrent les roseaux qui bordent la VOIe et rentrèrent chez Marga, trempés jusqu'aux os mais réchauffés par le résultat qui devait se compléter par d'autres sabotages effectués au cours de la nuit à Malesherbes, Moret et ailleurs.
Pourtant, malgré la violence de l'explosion, le résultat recherché n'était pas absolument atteint: le pont avait en partie résisté au choc et s'avérait assez facilement réparable, mais aussi André décida-t-il de lui faire subir sur le champ un nouvel assaut.

Un pont qui a la vie dure
Les réparations arrêtèrent cependant le trafic pendant plusieurs jours qui permirent à Gilbert de mettre sur pied une opération de plus grande envergure qui, se produisant quelques jours plus tard, anéantit définitivement le pont qui, aux dires des ingénieurs de la S.N.C.F., ne pouvait être réparé et qu'il fallait envisager le détournement de la voie. A la Libération, ces mêmes ingénieurs remirent le pont en état en quelques jours et la circulation fut rétablie très rapidement. Le câble téléphonique connut, lui, de multiples assauts; sa réparation demandant deux ou trois jours, ce laps de temps permit de préparer un nouveau sabotage. C'est ainsi qu'il fut coupé régulièrement dans la nuit qui suivait sa mise en service, soit par l'équipe de Souppes, de Nemours et autres, exaspérant ainsi de plus en plus les Allemands qui n'avaient trouvé rien de mieux, et cela en accord avec leurs valets de Vichy, de faire garder le pont par les gendarmes, double avantage pour les saboteurs puisque, maintenant, ils purent effectuer leur travail sous l'oeil bienveillant des gendarmes quand ceux-ci ne les aidaient pas activement dans leur travail. Ainsi, de jour en jour, le câble fut rendu inutilisable ainsi que la ligne Paris-Montargis jusqu'à la Libération.

 

A suivre...