Sur la plus haute branche, le rossignol chantera
premier parachutage

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Et voici que, par un beau soir des jours d'août 1943, Gilbert Gaillardon écoute la radio anglaise. Il entend le message: «Sur la plus haute branche, le rossignol chantera». C'est le message convenu. Cette nuit, un avion partira d'Angleterre et viendra faire le premier parachutage sur le terrain de La Brosse.
Gilbert Gaillardon sort sa voiture et va à Nemours prévenir ses amis. A dix heures lu soir, il est arrêté par la Feldgendarmerie à Pierre-le-Sault. Il écope d'une amende et st obligé de revenir chez lui. Les Feldgendarmes le suivent. Deux d'entre eux se postent devant sa porte cependant que les autres patrouillent dans la ville jusqu'à deux heures du matin.
Impossibilité absolue de prévenir les camarades ni de se rendre sur le terrain.
Un ami de Montargis qui a entendu le message à la radio et est au courant du parachutage vient à Souppes donner un coup de main à l'équipe. Il arrive en face du garage Brillant. Juste à ce moment, il rencontre les Allemands, il n'a que le temps de faire demi-tour et de s'en retourner à toute allure.

Vers une heure du matin, l'avion arrive, tourne à plusieurs reprises au-dessus de Souppes, descendant chaque fois un peu plus bas. Il cherche le terrain de La Brosse sur lequel Gaillardon et ses amis devraient se trouver pour faire les signaux lumineux convenus. Le pilote ne voit rien, et pour cause! cependant, les renseignements qui lui ont été communiqués quant au terrain sont très précis car il continue de le survoler. Mais ne voyant toujours aucun signal, il se décide à reprendre de la hauteur et s'en va en Angleterre. On imagine sans peine quelle fut la déception de ces hommes qui avaient travaillé pendant des mois et des mois.
Alors qu'ils espéraient toucher au but et recevoir d'une terre libre les armes qui leur permettraient de retrouver la liberté, voici que cet espoir s'est évanoui avec l'avion dont le bruit s'éteint dans le lointain.
Peu importe, on recommence et on reprend le contact avec Londres. Le parachutage avorté est reporté à la fin de septembre. Tous les jours, l'équipe est à l'écoute, dans l'attente du message. Et voici que le 7 septembre au soir, le haut-parleur annonce à nouveau : «sur la plus haute branche, le rossignol chantera». Toute l'équipe se précipite chez Gilbert Gaillardon qui malheureusement est absent, on l'attend quelque temps.
Il rentre de Paris. Sans plus attendre, on se prépare à prendre le chemin de Chaintreaux. Mme Gaillardon se met au volant de la Citroën. On amène d'autre part une voiture à bras montée sur pneumatiques; on est persuadé que ces deux voitures suffiront amplement à amener le matériel qui doit être parachuté.
L'équipe se divise en plusieurs groupes; chaque groupe se rend à bicyclette par un chemin différent. Les gendarmes Schweiger et Terrien ont pour mission de surveiller les routes d'accès et de prévenir si les Allemands ou des suspects sont en vue.
Mais soudain, c'est l'affolement: l'avion survole le terrain alors que les hommes sont encore loin. Marga et Tissier qui se trouvent à la sortie de Ceriseaux font les signaux convenus cependant que, beaucoup plus loin et d'un autre côté, Gilbert Gaillardon faisait les mêmes signaux. Le pilote semble ne pas comprendre et continue de faire tourner son appareil pendant plusieurs minutes. Cela permet à tous les hommes de rejoindre le terrain autour duquel le balisage normal s'organise rapidement.
L'avion tourne toujours, cherchant à s'assurer qu'il ne s'est pas trompé et qu'il n'existe qu'un seul terrain. Après huit à dix passages, il lâche son chargement à la grande joie de toute l'équipe qui respire enfin.
Mais cette joie se transforme en stupéfaction car l'avion a lâché 10 parachutes lestés chacun de 250 kg de matériel!
Et cette stupéfaction fait place rapidement à un gros embarras:
Comment transporter les 2500 kg de marchandises dans une voiture à bras? Et surtout dans quel endroit les cacher? Car il avait été prévu que les objets parachutés seraient dissimulés dans les bois voisins sous un tas de fagots.
Par bonheur, Gilbert Gaillardon qui avait prospecté la région avait repéré une cachette sûre dans les champignonnières de Mocpoix, près de Château-Landon ; il décide donc de faire prendre son camion par Henri Legras qui revient de Souppes. Les objets parachutés sont chargés sur les véhicules ainsi que les bicyclettes et les hommes prennent place au milieu de toute cette marchandise.
On démarre dans l'allégresse générale, Tout le monde est heureux!
Soudain, à quelques centaines de mètres derrière, on voit apparaître deux phares qui semblent poursuivre le camion.
On crie au chauffeur: «Accélère! Plus vite! On est poursuivi!»
La côte du Roulis est descendue à toute allure; on risque de verser dans le fossé. On arrive à Grand-Moulin, on est obligé de ralentir. Les deux lumières s'approchent toujours...
Plus aucun doute: on est pisté par les Allemands.
Toujours poursuivis par les deux phares, le camion monte en direction de Grand Moulin. L'inquiétude se fait de plus en plus grande. Si l'on est découvert, c'est la mort certaine. La vitesse du véhicule diminue. Les poursuivants en profitent pour arriver à la hauteur du camion, Ce ne sont pas les Allemands. Ce sont les gendarmes Schweiger et Terrien qui, ayant reçu la consigne de surveiller les abords du terrain, ont laissé partir leurs camarades et se sont lancés à leur poursuite. Quel soulagement! Mais l'alerte avait été chaude!
On arrive aux abords des champignonnières. Les containers, gros cylindres de 2 mètres de long sur 45 centimètres de diamètre, sont déchargés et démontés.
Il s'agit maintenant de les transporter dans les galeries à l'endroit choisi. Il faut faire un parcours de 150 mètres dans la chaux, courbé en deux. Par moment, on avance presque sur les genoux. Et tout cela dans la nuit la plus noire.
A cinq heures du matin, tout est en place!
Harassé mais heureux, chacun rentre chez soi, emportant un parachute comme souvenir et, avant de se coucher, on se brosse consciencieusement pour faire disparaître toute trace du travail de la nuit.
Les jours suivants, toute l'équipe tend l'oreille aux bruits qui circulent en ville car il est possible que l'avion, avec ses nombreux tours, ait alerté quelque peu la population.
Le samedi soir, elle se rassemble avec des ruses d'iroquois à proximité de la côte du Roulis; chacun raconte ce qu'il a entendu, il n'y a rien de bien grave mais, néanmoins, il est décidé que les parachutes iraient, le mardi suivant, retrouver les containers dans les carrières pour plus de sécurité,
L'équipe se retrouve donc au complet le mardi suivant et participe au démontage et à l'inventaire des containers: quatre vingt mitraillettes sont là avec des munitions à l'heure sera venue, le boche nous retrouvera sur son chemin. L'inventaire continue, voici les boîtes de conserves qui, dix mois plus tard, ravitailleront le maquis; les cigarettes apparaissent et, en quelques minutes, l'atmosphère devient irrespirable. A quatre heures, tout est fini, chacun rentre chez soi.

Gaillardon, prévoyant que ce matériel ne sera pas utilisé de sitôt, décide de restreindre son groupe afin d'éviter l'attention des collaborateurs et des Allemands. Il décide de continuer l'action en collaboration avec Maurice Esnault ; une longue période s'écoulera avant qu'un nouveau parachutage n'ait lieu.

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