Les contacts continuent à être pris régulièrement par Gaillardon à Paris où il rencontre ses amis dans des lieux divers, tels que le Trocadéro, l'église de la Trinité Notre-Dame, etc. La sécurité exigeant que jamais un rendez-vous n'ait lieu au même endroit. Suivant des ordres reçus, Gaillardon cherche d'autres terrains de parachutages et organise de nouveaux centres de Résistance: à Nemours en collaboration avec M. Piat ; à Lorrez-le-Bocage avec MM. Trembleau et Gallois qui, par la suite, rendront d'immenses services à la Résistance; à Château-Landon avec le gendarme Surplie ; avec M. Claude Lhéritier à Villebéon ; à Égreville avec M. Mesnil ; à Voulx avec MM. Pouvreau et Soutan ; par la suite, M. Caries, contrôleur des cartes d'alimentation, est chargé de former un groupe dans le secteur de Moret tandis que M. Pouvreau forme le sien à Beaumont. Dordives deviendra, vu sa proximité, l'aile marchante du groupe de Souppes avec lequel elle collaborera dans les différents parachutages et toutes les actions, militaires et autres, qui auront lieu par la suite.
Les réfractaires deviennent nombreux. Gaillardon et tous ses hommes s'emploient à leur trouver du travail et des abris sûrs, mais cela est insuffisant, il leur faut des faux papiers.
La tâche est ardue mais Gaillardon ne se décourage pas; il prend contact à Melun avec un de ses amis, M. Georges Moulin, résistant de toujours, d'un dévouement sans bornes, qui accepte de procurer à Gaillardon des fausses cartes d'identité. Mais rapidement, ses possibilités deviennent insuffisantes: Gaillardon prend le taureau par les cornes, fait éditer des fausses cartes en série, trouve à Paris quelqu'un qui lui fera un cachet de la préfecture de Seine-et-Marne et, à Melun, Georges Moulin fera mettre la signature par un dessinateur, M. Gilbert Housset.
Les cartes d'identité sont mises en général à la disposition des gendarmes Terrien, Schweiger, Quesney et Surplie qui connaissent tous les réfractaires et jugent si l'on peut leur confier une fausse carte d'identité.
Deux cents cartes furent distribuées de cette façon à Souppes et dans tous les autres secteurs. Il en est délivré, par le secteur de Melun, environ cinq cents pour tout le reste du département.
puis ce fut le tour des cartes de travail et enfin de tous les papiers nécessaires pour circuler librement.
Avoir des cartes d'identité, c'est bien, mais il faut vivre: il fallait procurer à tous ces gens des tickets d'alimentation. Heureusement, M. CarIes était là et, sans porter préjudice aux autres habitants, il fit le nécessaire pour que, chaque mois, avec la complicité des maires et des employés de mairies, parviennent les tickets d'alimentation nécessaires.
Un service de renseignements fonctionne qui, par la suite, interceptera le courrier de la Feldgendarmerie, permettra d'éviter de nombreuses arrestations et de punir, aujourd'hui, les fautifs de ces dénonciations, en particulier dans la région d'Égreville.
Au cours de l'été, l'organisation continue dans les différents secteurs, Les terrains de parachutages sont découverts. Gaillardon se rend à Paris toutes les semaines où il prend contact avec le groupement «Libération» par l'intermédiaire de Georges Moulin qui deviendra, par la suite, le représentant départemental de «Libération».
Dans la nuit du 10 au 11 novembre, une gerbe ornée de rubans tricolores est déposée à Souppes au monument aux morts tandis qu'ailleurs, de nombreux papillons et tracts sont distribués et les monuments aux morts entourés de banderoles tricolores.
Le 11 Novembre, M. Marc, responsable V.P.O, pour la France entière, se rend à Souppes où une conférence a lieu dans la salle à manger de M. Gaillardon avec les chefs des différents secteurs.
On se rendit, dans l'après-midi, à la champignonnière pour chercher des explosifs et pour avoir des renseignements sur le fonctionnement de ces explosifs qui serviront plus tard à crever les pneus des camions.
Le tout est sur la table, l'espoir est dans les coeurs devant les perspectives futures, quand soudain, un coup de téléphone glace tout le monde.
On apprend que la Gestapo vient d'arrêter M. Marga.
Aussitôt, tous se levèrent, les entrailles serrées, mais sans pour cela perdre leur sang-froid, ni une minute. Les hôtes de Gilbert s'emparent de leurs divers moyens de locomotion - vélos, autos, motos - et quittent rapidement les lieux tandis que Mme Gaillardon, dont l'héroïsme n'a d'égal que la modestie, remet de l'ordre dans sa salle à manger. On sut quelques instants plus tard la modestie, remet de l'ordre dans sa salle à manger. On sut quelques instants plus tard que, pendant cette évacuation rapide, la Gestapo était au garage de M. Brillant où elle arrêtait ce dernier dans la voiture duquel se trouvait Marga. Les gendarmes, partis aux renseignements, confirmèrent bientôt les faits: Marga et Brillant étaient arrêtés.
On se perdait en conjectures: pourquoi Marga et Brillant? Celui-ci qui n'était pas de l'organisation était-il d'une autre? Ou l'arrestation avait-elle d'autres motifs? Après un long conciliabule où toutes les chances et tous les risques furent pesés, il fut décidé lue l'on ne changerait rien aux habitudes car partir, c'était à coup sûr briser toutes les chances du groupement; les heures qui suivirent furent angoissantes. Au moindre bruit, à la moindre visite, on sursautait, croyant voir apparaître l'infâme Gestapo. Tous connaissaient Marga et étaient persuadés qu'il lutterait jusqu'au bout pour ne rien dire mais tous pensaient au sort qui lui était réservé si des charges, concernant la Résistance, étaient retenues contre lui. Les jours passèrent, de nouvelles arrestations eurent lieu à Bagneaux, Fontainebleau, Nemours ou M. Marceau, propriétaire du café de l'Espérance fut du nombre. Nous tenons ici à rendre hommage à ce camarade qui, connaissant l'organisation et pouvant d'une seule parole tout détruire, a su rester muet malgré les coups, les tortures physiques et morales qu'il a subis au cours de son long emprisonnement. Nous sommes heureux de pouvoir lui renouveler ici notre estime et notre reconnaissance. Malgré tous ces heurts et ces chocs, l'équipe tient bon. Mme Marga, dont le courage n'a d'égal que le patriotisme, glane au cours de ses visites à Fontainebleau quelques renseignements qui semblent démontrer que l'inculpation de son marine touche pas la Résistance.
Le soir du 3 décembre 1943, Gaillardon a la joie d'apprendre à Esnault en venant prendre livraison à Portonville de farine pour les réfractaires qu'après dix minutes d'interrogatoire, Marga a été relâché et qu'il vient lui-même de le ramener à Souppes.
Quel soulagement pour ces deux hommes qui partent allègrement vers leur nouvelle mission.
Malgré ses vingt-trois jours d'incarcération et après plusieurs semaines d'inactivité et de surveillance attentive, il semble qu'aucun risque ne pèse plus sur Marga et celui-ci reprend sa place dans l'organisation avec un magnifique courage qui fut, par la suite, maintes fois mis à contribution et qui justifia toutes les vertus de ceux de 14.
Dans les semaines qui suivirent, Gaillardon et Esnault, accompagnés des gendarmes, rendirent visite à la champignonnière pour y prendre quelques mitraillettes destinées à la protection d'aviateurs américains recueillis et centralisés dans la région de Montargis.
L'un de ceux-ci fut recueilli à Souppes à la suite de circonstances assez étonnantes, Il faisait partie de l'équipage d'un bombardier revenant de Stuttgart où il avait reçu quelques horions provoquant son retard sur le gros de l'escadrille; aux environs de Paris, il fut de nouveau atteint et, cette fois, si sérieusement que le chef de bord donna l'ordre à l'équipage de sauter dans le vide; notre ami, mitrailleur dans la tourelle inférieure, voulut exécuter cet ordre mais ne put y parvenir, la porte de la tourelle étant «coincée», l'avion abandonné se mit en perte de vitesse; au cours de sa chute, Robert, puisque c'est ainsi qu'il s'appelle, se vit soudain projeté dans le vide pour se retrouver quelques instants plus tard, grâce à son parachute, sur le sol aux environs de Chailly-en- Bière tandis que l'appareil s'écrasait un peu plus loin. Il gagna sous bois la nationale 7 où il réussit à grimper sur un camion sans que le conducteur s'en aperçût.
Il passa à Fontainebleau, Nemours et ce n'est qu'après Souppes que, pensant s'être 9 trompé de direction, il sauta du camion et rejoignit la voie de chemin de fer. Là, il rencontra, à ses dires, un garde-barrière qui n'hésita pas à le loger pour la nuit et à le mettre dans un train allant vers Paris. A Nemours, il descendit de bon matin sur le quai et se trouva en contact avec MM. Lefort et Devilliers, employés à la S.N.C.F. qui, sans perdre une minute, avec le concours de leurs camarades présents, le ravitaillèrent, l'habillèrent, l'aiguillèrent de telle façon que le jour même, Gaillardon, alerté par Piat, vint le chercher chez lui où il resta une huitaine de jours en attendant que les services le Résistance pour ce genre d'opérations puissent le prendre en charge d'étape en étape et lui faire regagner l'Angleterre.
Un autre parachutiste fut recueilli quelques mois plus tard lors de la chute d'un quadrimoteur Lancaster aux environs de Chaintreaux ; plus heureux que ses camarades qui reposent dans le cimetière de Chaintreaux, il put sauter en parachute aux environs de Château - Landon.
Quelques personnes le virent et s'empressèrent d'alerter le chef de la brigade de gendarmerie Delecueillerie qui, sans perdre un instant, prévint la Kommandantur et partit, accompagné de ses gendarmes à la recherche de ce parachutiste. Bien lui en prit car le gendarme Surplie, ayant été mis de faction sur le bord de la route, vit passer ce parachutiste et lui indiqua par gestes la marche à suivre pour se tirer d'affaire.
On s'explique ainsi que les recherches minutieuses effectuées par les Allemands qui vinrent par la suite restèrent vaines.
Deux jours plus tard, Gaillardon, alerté par Surplie et Bossard, vint chercher Philippe chez M. Maurice Bretonneau, à Préfontaines, qui l'avait recueilli et soigné de son mieux.
Après quelques jours passés chez Marga, Philippe fut conduit à la Carabinerie chez Mme Petit. Il rendait de fréquentes visites au Bois d'Haies chez M. Belugeon qui l'accompagna, même un dimanche après-midi, se recueillir sur les restes de l'avion où ses camarades trouvèrent une mort cruelle. Plein de courage, ce jeune anglais de 20 ans ne pensait qu'à rejoindre son pays et la R.A.F. pour reprendre le combat, mais les perspectives d'un débarquement prochain et les risques devenus beaucoup plus grands empêchèrent la réalisation de ce projet, aussi ce n'est qu'au début d'août que Philippe quitta Souppes; en bicyclette pour rejoindre un maquis du Loiret, composé essentiellement de parachutistes anglais et américains recueillis puis rassemblés dans cette région.
D'autres parachutistes furent les hôtes de Souppes et de Dordives mais ceux-là, volontairement et non accidentellement.
En avril 1944, le groupement Libération sollicite Gaillardon pour la réception, sur ses terrains de parachutages, d'agents de renseignements qui viendront d'Angleterre par couple, munis de postes émetteurs et qui glaneront des renseignements dans diverses régions de France pour les transmettre à Londres au Bureau central de Renseignements et d'Actions (B.C.R.A.), lequel fera exécuter les destructions nécessaires des points et objectifs signalés. Bien entendu, Gaillardon accepte immédiatement, prépare l'opération. Celle-ci, qui devait être suivie de plusieurs autres, eut lieu le dimanche 8 mai.
Trois messages personnels la réglaient: