Parapluie parmi les bizantins est souverain

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Au cours d'un de ses nombreux voyages à Paris, Gilbert fut de nouveau sollicité par «Libération» pour recevoir de nouveaux agents de renseignements parachutés sur son secteur, agents qui seraient ensuite dirigés dans différentes régions de Souppes d'où ils fourniraient de précieux renseignements à l'état-major inter-alliés. Dès son retour, il prit toutes les dispositions nécessaires et alerta le groupe de Dordives qui, par sa position et ses facilités d'accès au terrain de parachutages, devait jouer un rôle de premier plan dans ces opérations. M. Hayé et ses collègues se dépensèrent sans compter et trouvèrent à Dordives les maisons amies qui recevaient les parachutistes dès leur arrivée sur le sol le France et les hébergeaient jusqu'au jour où ils pourraient être dirigés vers Paris et leurs secteurs réciproques. Le 25 juin, la radio toujours écoutée avec soin lança le message: «Parapluie parmi les bizantins est souverain». Assez long et conventionnel, ce message permettait de connaître la date exacte du parachutage; appliquant la combinaison connue et donnée par Georges Moulin, Gilbert et Maurice constatèrent avec surprise que le parachutage aurait lieu le jour même, aussi prévinrent-ils toute l'équipe, renforcée des éléments de Dordives, Belugeon, Roger Dam, Hayé, Deloince, Salhorgue et quelques autres se trouvèrent au rendez-vous fixé à douze heures sur le terrain.

La garde fut assurée par quelques-uns d'entre eux tandis que les autres, à l'ombre des arbres, devisaient à voix basse. La nuit devait se passer sans que rien ne se produise si ce n'est le passage, à haute altitude, d'avions que l'on ne put identifier. A quatre heures ce n'est le passage, à haute altitude, d avions que l'on ne put identifier. A quatre heures rentra chez soi, attendant de nouvelles instructions mais pensant bien que la prochaine sortie ne se passerait pas de la même façon.

Elle ne devait pas tarder. Deux jours plus tard, le 27 juin, «Le lapin à la queue blanche», trois fois, remit tout le monde sur pied, y compris quelques hommes d'Egreville, conduits par Mesnil, et parmi lesquels se trouvait M. le curé d'Egreville qui, par son ardeur et son allant, donna cette nuit-là à tous un magnifique exemple de courage et de patriotisme.

Les gendarmes Schweiger et Quesney assuraient la surveillance sur la route tandis 2 qu'aux angles du terrain, particulièrement bien armés, des hommes décidés montaient une garde attentive.
A une heure du matin, un premier ronflement se fit entendre, il grandit rapidement 2 et bientôt un premier avion survola le terrain. Suivant les ordres de Gilbert, les lampes furent allumées, l'avion fit un tour, descendit, repassa à nouveau et tous purent alors distinguer sa masse imposante, et les quatre moteurs qui caractérisent le Lancaster; au troisième tour, au beau milieu du terrain, il lâcha vingt et un parachutes qui descendirent mollement sur le sol. Déjà, le deuxième avion survolait le terrain et, surprise, trois autres du même modèle l'accompagnaient.
Après quelques tours au-dessus du terrain, le second appareil lâcha vingt parachutes qui vinrent s'ajouter aux précédents. Les autres avions avaient disparu. Après quelques minutes d'attente, tout le monde, sauf les gardiens, se mit en demeure de ramasser et de transporter les colis qui devaient être déposés et dissimulés dans les fourrés voisins. Soudain quelques coups de feu se firent entendre. Que se passe-t-il ? Peu de choses, simplement quelques cartouches qui venaient d'exploser dans un container tombé à l'orée du bois; chacun reprit son travail avec courage, oubliant cette alerte, quand soudain de cuveaux ronflements se firent entendre. Un avion quadrimoteur surgit et traversa en trombe le terrain à très basse altitude tandis que deux autres le survolaient un peu plus haut. Il n'était pas possible que ces appareils soient destinés pour Souppes, un seul peut-être, quoique, déjà, un laps de temps assez long s'était écoulé depuis le départ des deux premiers avions. Les instructions de Londres étaient formelles. Ne prenez que le matériel que vous pouvez faire disparaître avant le jour, refusez tout appareil qui, soit par erreur, soit pour toute autre raison, tenterait de parachuter sur votre terrain quand il n'y est pas attendu. Se conformant aux instructions reçues, Gilbert et Maurice décidèrent de ne pas baliser, ils furent alors témoins, ainsi que leurs camarades, d'une fête d'aviation peu commune. Le premier appareil traversa à maintes reprises le terrain dans tous les sens, descendant parfois à moins de 50 mètres du sol, tandis que les deux autres s'entrecroisaient dans un chassé-croisé infernal, à quelques centaines de mètres. Tous les environs en furent éveillés et les gens de La Brosse qui se levèrent au bruit purent voir ces avions surgir à toute vitesse des bois voisins et passer dans un fracas de tonnerre au-dessus de leurs toits.

Le docteur Ameslon, se rendant en visite et se trouvant sur la route de Chaintreaux, eut l'impression très nette, comme il le raconta plus tard, qu'il était visé par un de ces avions dont il ne s'expliquait pas la présence.

Malgré leurs insistances, Gilbert et Maurice tinrent bons; les avions, un par un, 22 finirent par disparaître à la grande joie des assistants.
Espérant que cette sarabande n'attirerait pas trop l'attention des Allemands et qu'elle ne serait pas portée à leur connaissance avec trop de précision, tous se remirent au travail. Les containers furent transportés d'abord à proximité des taillis, ensuite repris et dissimulés au plus profond des buissons d'épines et de ronces, ce qui n'alla pas sans de nombreuses égratignures.

A la pointe du jour, tout était terminé; après quelques paroles recommandant l'absolue discrétion nécessaire et organisant la garde du matériel qui resterait dans le bois quelques jours, tous se séparèrent et rentrèrent rapidement à leur domicile. Une circonstance heureuse devait fournir une explication à tous ceux qui, au cours de la nuit, avaient été réveillés par ces avions: le matin, à six heures, le train venant de Montargis devait être mitraillé à Dordives, fournissant ainsi un alibi, aux ronflements de la nuit.

Gilbert et Maurice se félicitèrent par la suite de ne pas avoir accepté le chargement de ces avions et pour cause! Le premier, comme ils l'apprirent plus tard, avait à son bord les parachutistes attendus deux jours plus tôt et annoncés par le message «Parapluie parmi les bizantins est souverain». Une erreur s'étant produite dans la composition de ce message ou plutôt dans les indications fournies à Gilbert de telle sorte que le jour où l'avion ne venait pas, il était attendu, et, le jour où il venait, personne n'était là. Car c'est par pure coïncidence que l'équipe se trouvait sur le terrain ce jour-là, les parachutages de matériel n'appartenant pas aux mêmes services que ceux des agents de renseignements ou autres.
Le lâcher de ces hommes aurait pu être catastrophique, se produisant alors que quarante et un containers jonchaient le terrain et sur lesquels un ou plusieurs de ces hommes auraient pu tomber et se blesser grièvement.
Les deux autres avions chargés de matériel venaient pour parachuter à Chevannes. N'ayant vu aucune lumière sur ce terrain, ils espéraient pouvoir se décharger sur celui de Souppes. Ils ne rentrèrent pas en Angleterre chargés puisque, à leur retour, ils découvrirent le terrain de Chevannes alors balisé et se délestèrent sur ce dernier.
Cependant, ce matériel ne pouvait rester dans les taillis en raison des difficultés rencontrées pour assurer une garde permanente. Les réfractaires n'étant pas inquiétés jusqu'à ce jour, la constitution du maquis qui devait se trouver sur cet emplacement ne s'imposait pas.

 

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