En chaussettes !

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Gilbert, après accord préalable avec MM. Petitpas et Fernand Cornu, décida que ce matériel serait transporté à Souppes et dissimulé dans les réservoirs de l'ancienne laiterie. Il ne restait plus qu'à organiser ce transport qui risquait d'éveiller l'attention. Le lendemain du parachutage, Maurice se rendit à La Brosse où il conversa avec différentes personnes, les amenant à parler de la nuit précédente: toutes avaient été alertées par ce vacarme aérien, quelques-unes même avaient vu surgir derrière le bois ces avions volant en rase motte dans un vrombissement de tonnerre, aucune explication précise n'était fournie de leur présence si ce n'est que les gens étaient persuadés que quelque chose d'anormal se passait dans ce secteur. Mais comme cet événement ne pouvait qu'être favorable aux Alliés et à la cause de la France, la population de La Brosse, composée de bons Français, se garda bien d'ébruiter ce fait, rendant ainsi à l'organisation la tâche plus facile. Qu'elle en soit ici remerciée. Rassurés sur l'attitude de la population, M. Esnault, H. Legras, J. Tissier partirent le jour suivant pour effectuer le transport de ce matériel dont la réception à la laiterie devait être assurée par R. Collin, Petitpas, J. Pinard et quelques autres. Jamais pluie qui croula toute la journée sur leur tête n'a été plus bénie! Par ce temps à ne pas mettre un chien dehors, les mauvaises rencontres étaient bien moins à craindre. Mais quelle douche!
Trois voyages furent nécessaires pour transporter ce matériel car il était indispensable de camoufler le chargement par une cinquantaine de fagots à chaque fois et qui devaient, au préalable, être récupérés dans les bois. Au premier voyage, alors que la pluie commençait à tomber et que nos trois hommes s'occupaient à cette récupération, ils furent surpris par le berger de M. Boulat qui rentrait ses moutons. Marga, le dévouement fait homme, qui, bien entendu, était venu les rejoindre, les rassura. Quelques jours plus tard, Jules Ouazana, puisque c'était lui, les rejoignait au maquis, participait avec eux aux différents parachutages et combats qui eurent lieu par la suite et continua à libérer notre Patrie quelque part dans l'Est. Aidés des deux hommes qui montaient une garde vigilante sur le matériel - J. Péan de Nemours et G. Leroy d'Égreville - sur place depuis quarante-huit heures, nos trois hommes constituèrent vite un premier chargement et, trempés jusqu'aux os par cette pluie diluvienne - H. Legras était venu en pantoufles et il dut, pour essayer de les protéger, continuer l'action en chaussettes, ce qui était plutôt cocasse -, ils prirent le chemin du retour qui, pour regagner la route, emprunte les sous-bois pendant 1,5 km à 2 km. Pour ceux qui le connaisse et qui l'ont parcouru par temps de pluie, les difficultés rencontrées par le nivellement des trous par l'eau ne leur échapperont pas, aussi ne seront-ils pas surpris d'apprendre qu'au cours de ce premier transport, nos trois amis virent les fagots s'échapper du camion et, chose plus grave, être accompagnés de quelques containers. Imaginez un instant ces trois amis légèrement vêtus, dont l'un était en chaussettes, sous une pluie battante, accrochés après un container de 200 kg qui gisait au beau milieu d'une flaque d'eau le recouvrant presque entièrement. Le sourire n'était pas absolument de la partie, mais qu'importe. Unissant leurs efforts, tout rentra dans l'ordre, y compris l'eau dans le cou d'Henri Legras qui fut, de ce fait, un peu plus mouillé que ses camarades. Enfin le camion reprit sa route, il devait atteindre sans encombre la laiterie où il fut rapidement déchargé;
Sans perdre une minute, ni même donner le temps à Henri Legras de se chausser - il continua toute la journée et finit sans chaussettes - le camion repartit pour un deuxième, puis un troisième voyage qui se déroulèrent sans souci. Le soir même, tout le matériel était entreposé à la laiterie. Il fallait maintenant en faire l'inventaire, dissimuler les containers vides puis monter tout ce matériel dans les réservoirs.
Les employés de Petitpas et lui-même s'y employèrent et deux jours plus tard, tout était en place.

 

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